mercredi 2 mai 2007

ORIENTATIONS POUR L’ÉCOLE de la RÉPUBLIQUE

L’Ecole est une question centrale, puisque Ecole et République sont intimement liées depuis la Révolution française. Le combat pour l’Ecole rejoint celui pour la République. L’une et l’autre sont aujourd’hui affaiblies. Et le futur républicain de la France dépend grandement de son Ecole publique et laïque.
Une conception exigeante de l’ Ecole républicaine demande que l’Etat fixe clairement les missions de l’Ecole. Je voudrais développer quatre idées.

1. SA MISSION PREMIÈRE : TRANSMETTRE un SAVOIR

L’Ecole n’échappe pas à la crise de la démocratie et du libéralisme qui la fait percevoir comme un bien de consommation : on consomme de l’école comme on consomme les autres biens ; il faut

Des possibilités de redressement et de transformation existent. Nous sommes sans doute proches d’un tour-nant : un basculement de fond orienté et encouragé par des gouvernants courageux est envisageable.

L’Ecole est une institution majeure d’un Etat républicain à construire, voire à reconstruire, car c’est le savoir, la connaissance qu’elle dispense qui libèrent l’homme de son ignorance. Elle donne par la culture, à chaque élève, la possibilité de construire sa propre émancipation. Cette Ecole doit préparer à un métier et une fonction sociale, mais aussi parce qu’elle est laïque, elle apprend à chacun à juger selon sa propre conscience, à penser librement et à devenir un citoyen souverain. Finalité qui doit concerner tous les élèves, y compris les en-fants des familles les moins cultivées, d’où le défi de la démocratisation qui doit élever le niveau général de formation, sans renoncer à la qualité, sans réduire les savoirs fondamentaux essentiels, et cela dans toutes les disciplines scolaires.

La démocratisation, pour un républicain de gauche, c’est l’accès du plus grand nombre à un enseignement exigeant, qui offre à chaque élève la faculté d’aller jusqu’au bout de ses possibilités, en refusant les facilités et adaptations démagogiques, là au nom de ségrégations socioculturelles subies, ailleurs aux intérêts du marché et aussi aux formes de crétinisme télévisuelles.

2. POUR REDRESSER, VOIRE REFONDER L’ÉCOLE, LA GAUCHE DOIT REFUSER LES FAUX REMÈDES

a) Faux remède : réduire les savoirs enseignés et ne plus centrer l’école sur l’élévation par le savoir.
Dans une certaine critique de gauche, mélange d’esprit libertaire et libéral, on a vilipendé le savoir comme discriminant, dénigré la culture classique, l’orthographe, la grammaire, la dissertation et autres... pour magnifier la spontanéité, la créativité de l’enfant et le plaisir à l’Ecole. La considération du savoir a été abaissée. Celle de l’effort laborieux et du courage aussi. D’autant plus facilement que les facilités du zapping télévisuel éloi-gnent les enfants des nécessaires contraintes pour suivre positivement des enseignements systématiques, répéti-tifs et progressifs.
Aujourd’hui, la loi Fillon propose de réduire les enseignements de la scolarité obligatoire à un socle a mi-nima des « indispensables » pour hiérarchiser les formés aux besoins de la globalisation libérale. Moins de connaissances et les premières victimes seront les enfants des couches populaires qui ne bénéficient pas de cours particuliers et des bons établissements.
Les familles les plus privilégiées, comme celles, de plus en plus nombreuses des couches moyennes, évite-ront de plus en plus un système public aux objectifs et résultats abaissés en contournant la carte scolaire ou en ayant recours à un enseignement privé devenu conquérant du fait des faiblesses de l’Ecole publique.

b) Faux remède : le retour à l’apprentissage à 14 ans, voulu par D. de Villepin, qui remet en cause la scolarité à 16 ans décidée en 1959, et qui est une manière de stigmatiser et appauvrir un peu plus les jeunes d’origine populaire de banlieue et de les traiter comme des laissés pour compte. La loi « égalité des chances » vole honteusement son nom. Il faut faire de gros efforts pour supprimer les écoles ghettos en recher-chant partout la qualité, l’exigence, la mixité sociale et le mérite. La ségrégation spatiale est une plaie de la ré-alité scolaire.
La voie de l’apprentissage a sa place comme filière d’accomplissement à partir de 16 ans, préparée, pour des élèves en rupture, par des dispositifs pré-professionnels à 14 et15 ans.
Des formules d’apprentissages à 14 et 15 ans sont possibles si les élèves restent sous statut scolaire et sur-tout si ce dispositif d’enseignement leur préserve une formation théorique et générale. Il faut aussi offrir à ces jeunes sous statut adapté une rémunération comme apprenti.
Enfin, pour les élèves très instables ou en grandes difficultés familiales, des collèges avec internat moderne et accompagnement éducatif adapté doivent être développés.

c) Faux remède : l’autonomie des établissements, établie par la loi de 1989 et que N. Sarkozy veut accroître.
Elle aboutit à différencier les établissements selon leur environnement socioculturel, développer des concurrences, favoriser les parents-consommateurs d’école et instituer, de fait, l’inégalité. D’un côté, les écoles-ghettos, de l’autre les lycées de grande réputation.
Nicolas Sarkozy veut encore accroître cette autonomie et, dans la même logique, supprimer la carte sco-laire : pour cet ultra libéral, il s’agit bien de faire fonctionner un marché de l’éducation qu’encouragent l’O.M.C. et l’O.C.D.E. relayés par les experts de Bruxelles.
Toujours plus d’autonomie, toujours plus d’expérimentations locales réduisent de fait les savoirs et les ho-raires réellement enseignés. Ainsi, l’école au nom de l’adaptation à son environnement, se soumet à la fatalité sociale, celle des inégalités sociales, alors que l’école se doit d’être différente, séparée même, de son environ-nement pour justement élever l’enfant grâce à la découverte et maîtrise de savoirs nouveaux qu’il ignore. L’école de la République doit restr le lieu de l’ÉGALIT´É
Le MRC ne veut pas que l’école soit assujettie aux féodalités locales et se prononce contre le processus ac-tuel de décentralisation et de concurrence.
« Nous ne laisserons pas régionaliser le recrutement des maîtres, multiplier les programmes à la carte, en fonction des besoins locaux » a dit Jean-Pierre Chevènement

d) Faux remède : l’adaptation pédagogique à tout prix, sans exigence, pour faire du chiffre ou par concession à l’idéologie libérale libertaire.
La pédagogie est nécessaire. Mais la pédagogie n’est pas une finalité, c’est un moyen ; et donc elle doit être au service des contenus enseignés et des niveaux à atteindre. A force d’adaptation sans mesure aux élèves, les autorités ont adapté les programmes, rendu les examens plus faciles pour justifier les mauvaises réformes, et le sytème a fini par attribuer des diplômes dévalorisés et, de fait, a abaissé les capacités scolaires d’une partie des élèves.
Résultats:
- 20% des élèves ne lisent, n’écrivent et ne calculent pas couramment et correctement en 6ème.
- 30 % de ceux de 3ème ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux d’une indispensable culture générale.

En 1985, Jean-Pierre Chevènement, ministre, a voulu augmenter le nombre de lycéens (les 80 % au niveau du bac) pour démocratiser les études secondaires tout en maintenant l’exigence nécessaire à travers l’affirmation d’un élitisme républicain. Mais fallait-il que 82 % des candidats obtiennent le Bac en 2006, alors que c’était le cas de 62 % en 1985 parmi ceux qui le passaient ? L’examen a été rendu plus facile pour faire du chiffre.
Conséquence: plus de 40 % des étudiants du Supérieur échouent lors de leur 1ère année , car ils sont insuffi-samment préparés au lycée comme à l’université .Environ 25 % abandonnent leurs études avant le D.E.U.G.,devenu 1ère et 2ème année de la licence depuis la réforme L.M.D.
La sélection a lieu pendant la licence et les étudiants d’origine modeste ont plus de mal à accomplir des études universitaires de qualité. Ils sont de moins en moins nombreux dans les Grandes Ecoles. La démocratisa-tion, celle qui allie quantité et qualité, est donc encore largement à accomplir.

3. POUR RÉUSSIR LA DÉMOCRATISATION, LA GAUCHE DOIT METTRE L’ACCENT SUR LA QUALITÉ ET DONC SUR L’EFFORT ET LE TRAVAIL.

La qualité, l’exigence doivent être les objectifs essentiels.

• L’Etat doit assumer pleinement sont rôle.
Moins d’Etat, moins de crédits budgétaires, c’est plus de renoncement et plus d’inégalité. On le voit avec l’actuel budget de l’Education nationale qui réduit de 30 % les postes au concours de professeurs. La réduction du temps de formation effectif des enseignants en formation en I.U.F.M. comme la mise en place d’une biva-lence au rabais pour les professeurs certifiés, ainsi que la suppression d’heures de décharge justifiées dans le se-condaire, sont de mauvaises décisions.
Plus d’école, d’heures enseignées et dans toutes les matières, plus de soutien scolaire en groupes de pe-tite taille, d’études surveillées ou dirigées, d’efforts pour les ZEP, de surveillants et d’éducateurs pour as-surer la sécurité et la vie scolaire, tout cela c’est plus de qualité et d’égalité.

• L’Ecole se doit d’être plus présente auprès des élèves.
Les dispositifs d’accompagnement et de soutien doivent se développer dans le cadre de la gratuité des éta-blissements publics pour combattre l’explosion du marché des cours particuliers :
- modules de soutien scolaire adaptés aux difficultés des élèves,
- suivi personnalisé des élèves en relation avec les familles qui doivent être associées et conseillées,
- études dirigées ou surveillées pour l’aide aux leçons, exercices et devoirs.
Ces dispositifs d’accompagnement existent parfois, le plus souvent sur le mode du bénévolat, ce que je fais dans ma commune : mais la démarche a ses limites, puisqu’elle est inégalitaire : toutes les communes n’ont pas les moyens d’organiser une aide aux devoirs rémunérée.

• Mieux soutenir et conforter les enseignants, pour reconnaître aux professeurs l’autorité qui découle de leur fonction, pour valoriser leur magistère, c’est leur permettre de mieux accomplir la tâche difficile d’inculquer le goût de l’effort et le sens du travail. Les professeurs ont besoin que l’Etat et la nation leur té-moignent plus de considération.

• Nous proposons de réformer les IUFM dans le sens d’une formation exigeante, plus rigoureuse, plus progressive, plus cadrée sur le plan national et nourrie des valeurs républicaines. Une telle formation doit arti-culer de solides connaissances théoriques à une sérieuse formation didactique et pédagogique (dégagée des dé-rives pédagogistes), qui ne sont pas contradictoires mais complémentaires.
Il faut aussi créer des financements d’Etat pour aider des jeunes de milieu modeste à faire leurs études, s’ils s’engagent ensuite à servir l’Education nationale et d’autres services publics pendant 10 ans.

• L’éducation civique doit, au-delà des discours, être une réalité forte dans les programmes et les pra-tiques. Elle apprend à connaître, comprendre et partager les valeurs morales et sociales, en particulier celles de la vie collective dans l’institution scolaire, qui prennent leur sens dans l’application exemplaire des règles.
Plus largement, elle apprend à l’élève à connaître et comprendre ce qu’est la citoyenneté, l’exercice de la souveraineté populaire, et le sens des droits et devoirs du citoyen. L’éducation aux institutions et à la vie politi-que ainsi que la morale civique sont parties prenantes d’une formation des futurs citoyens qui doit gagner en ampleur, conviction et rigueur.

• Les établissements scolaires doivent être valorisés comme éléments de l’institution majeure de la République. Outre l’attention portée à la qualité des bâtiments qui contribue à leur considération et attractivité, ils doivent être préservés des difficultés de leur environnement et de « l’ouverture » à toute les fatalités sociales, à toutes les formes d’incivilité et de violence.
La question de la sécurité dans et aux abords des établissements, en particulier pour les collèges et les ly-cées professionnels, est, en effet, très importante. Les familles y sont très sensibles dans leur choix d’établissements. La fermeté et la discipline s’imposent comme facteurs primordiaux de la liberté d’enseigner et d’apprendre. C’est ce qu’attendent aussi bien les élèves et les professeurs que les parents

• Plus de qualité partout, c’est aussi réaménager la carte scolaire, afin de lutter contre les
inégalités territoriales et particulièrement supprimer les ghettos scolaires.
La carte de la ségrégation scolaire recoupe largement celle de la ségrégation urbaine et de la division sociale de l’espace ; il faut donc supprimer les ghettos urbains, restructurer de nombreux quartiers en reconstituant la mixité des formes de logement afin de mêler les habitants de différentes origines sociales et ethniques dans tous les espaces urbains. Il faut aussi y renforcer les services publics (transports urbains) , les commerces, les équi-pements sociaux et culturels et les activités économiques.
Nous sommes partisans de redécouper des secteurs scolaires plus larges afin de mêler dans les mêmes éta-blissements des élèves de diverses origines sociales en utilisant les possibilités données par des transports sco-laires gratuits.

Il faut aussi multiplier et diffuser sur le territoire les voies du mérite et de l’excellence. L’accès aux meilleu-res formations supérieures doit être ouvert aux élèves des banlieues et des villes petites et moyennes. Nous fa-voriserons aussi l’obtention de bourses au mérite tout en augmentant le nombre de bourses sur critères sociaux.

• Jean-Pierre Chevènement propose aussi la création d’un Institut de la parentalité, autrement dit une Ecole des parents. Cette école serait facultative, mais installée sur tout le territoire avec des conseillers et spé-cialistes afin que les parents puissent disposer de cadres et repères qui font de plus en plus défaut.


4. RECONSTRUIRE DES BASES SOLIDES DANS LES DIFFÉRENTS CYCLES D’ENSEIGNEMENT

• A l’école primaire, un redressement est nécessaire, car sa tâche est fondamentale.
Les savoirs élémentaires doivent être mieux maîtrisés .La maîtrise en premier lieu de la langue française est la clef de tout, la clef de toute réussite ultérieure. L’accent doit être mis sur le décodage de l’écrit, l’orthographe et la grammaire. La qualité des apprentissages fondamentaux est un « devoir d’Etat », en particulier vis-à-vis des enfants des couches populaires qui n’ont que l’école pour se faire une place dans la société.
Les préapprentissages à la maternelle, assurés dès 2 ans si les parents le souhaitent, doivent être renforcés
et les difficultés individuelles détectées et remédiées précocement.
Il faut revenir sur la réforme des cycles qui a largement échoué et instituer des programmes simples, struc-turés, rigoureux, qui redonnent toute leur place à une solide progressivité et au contrôle des acquisitions. Ces savoirs ne doivent pas être réduits comme le prévoit le socle commun de la loi Fillon. Les programmes doivent redonner au moins un tiers de temps supplémentaire à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, de façon que ces techniques de base, maitrisées, puissent permettre l’acquisition des autres savoirs sans y faire bar-rage. Il faut donc supprimer, par exemple, l’enseignement de la langue étrangère qui se fait dès le CE2 ; une langue étrangère s’apprend facilement quand il y a motivation économique (si on en a besoin pour son travail) ou affective (communiquer avec ceux qu’on aime). On ne peut acquérir les mécanismes syntaxiques d’une lan-gue étrangère si on ne maîtrise pas ceux de sa langue maternelle.

• L’examen probatoire avant l’entrée en 6ème, proposé par Jean-Pierre Chevènement, permettra de rele-ver les niveaux d’exigence en amont à l’école élémentaire et de rendre moins hétérogènes les classes de collège. Les élèves qui ne maîtrisent pas les apprentissages fondamentaux bénéficieront de modules de soutien avec des groupes spécialisés de petite taille.

• Au collège, tout en gardant un collège démocratique, le terme de collège «unique» est
devenu une illusion qui dessert majoritairement les élèves. A partir d’une culture générale commune, qui doit être assurée jusqu’à 16 ans, nous souhaitons des options renforcées et des pré filières qui préfigurent le lycée, à partir de la 4ème , plutôt qu’une indifférenciation desservant les élèves les plus en difficulté autant que les meil-leurs.
Il faut tenir compte, plus qu’actuellement, des goûts et des aptitudes des collégiens. Les voies de l’éducation sont multiples et il y a différentes formes du mérite .Pour des élèves en rupture scolaire, il est préfé-rable d’offrir des voies diversifiées, faisant place aux stages professionnels ou au préapprentissage avec accom-pagnement éducatif, comme cela est proposé précédemment. Et parallèlement, doivent être conçues des forma-tions passerelles qui permettent à ceux qui le veulent et le peuvent de rejoindre un enseignement général et à d’autres de faire un choix réfléchi et positif pour l’enseignement à caractère professionnel.

• Le lycée, lui-même déjà diversifié, doit retrouver partout qualité et exigence afin de préparer un Baccalauréat qui doit rester essentiellement un examen national anonyme et suffisamment exigeant. Toutes les disciplines scolaires actuellement enseignées doivent y garder leur place.
Nous sommes également favorables à la multiplication des lycées polyvalents, articulant voies générale, technologique et professionnelle avec les passerelles nécessaires entre les filières.

• La voie professionnelle (dont l’apprentissage) et l’enseignement technologique doivent être revalo-risées comme voies de la réussite, ce qui est un travail de longue haleine, lié à l’amélioration souhaitable des carrières des ouvriers, des employés et des techniciens et à des changements de mentalités .

• Le service public national de l’orientation doit être renforcé en liaison avec les enseignants, afin de lui donner plus de moyens et d’efficacité dans l’accomplissement de sa tâche d’information et d’orientation des élèves et des familles. Son action devra être aussi tournée vers les écoles de parents nouvellement crées.


Conclusion

Le travail est immense. Il faut des moyens financiers, mais ce n’est pas qu’une question de moyens. Est-ce que la gauche sera dans ce domaine capable d’effectuer le redressement nécessaire? Il le faut. C’est le sens des propositions de Jean-Pierre Chevènement et du M.R.C. pour refonder l’Ecole républicaine.
Il faut d’abord résister à l’air du temps, marqué par la crise persistante de l’éducation, par l’influence domi-natrice de la forme de communication télévisuelle, si éloignée du travail scolaire et, résister aussi, aux formes et critères de la mondialisation libérale relayée par Bruxelles. C’est cette résistance qui déjà fait se lever les po-tentialités de redressement et de transformation pour une refondation associant enseignants, parents, citoyens.

Pour le MRC, le combat est clair. Nous voulons une Ecole publique forte, car nous aimons la République.


Texte élaboré à partir d’un article de Michel VIGNAL, secrétaire national à l’Education du MRC

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